AI WEIWEI - Le portrait d'un dissident
- Jessica Chan
- 9 févr. 2016
- 5 min de lecture

[ARTICLE IN FRENCH ONLY]
L'art fait également partie de la culture, et c'est pour cela que CBA vous présente le portrait d'un des artistes les plus influents de Chine : Ai Weiwei, un dissident provocateur.

Ai Weiwei, en chinois 艾未未, est né en 1957 à Pékin. Sculpteur, photographe, architecte, commissaire d’exposition et blogueur, il est un artiste complet qui a fait couler beaucoup d’encre. Aujourd’hui Ai Weiwei est l’artiste international le plus connu, le plus engagé et controversé de Chine pour son combat contre la censure et le système politique sourd du pays, à travers l’art et les réseaux sociaux.
La haine envers la Chine que Ai Weiwei ressent remonte à son enfance. Fils du poète Ai Qing, déclaré « ennemi du peuple » pendant la Révolution culturelle de Mao Zedong, le jeune Weiwei grandit à Shihezi jusqu’à ses 17 ans où il effectue sa rééducation politique et où il est témoin des humiliations publiques que son père subit. Après des études à l’Académie de cinéma de Pékin, la condamnation de son ami et animateur Wei Jingsheng le dégoûte de la politique. En 1981, il se rend aux Etats-Unis où il devient l’élève du peintre Sean Scully à la Parsons The New School for Design. Bien qu’il délaisse rapidement l’école, il découvre des artistes comme Allen Ginsberg, Jasper Johns ou Andy Warhol et il devient surtout l’admirateur de Marcel Duchamp pour sa manière de mêler l’art et la vie. Avec ses photographies de New York et West Side, Ai Weiwei produit ses premiers ready-mades.

FUCK OFF (2000)
En 1993, son père tombe malade et il décide de rentrer à Pékin. Sa colère contre la Chine ne cesse d'augmenter et en 2000, il réalise avec Feng Boyi, l'exposotion Fuck Off avec la photo de son doigt d'honneur devant Tiananmen, la maison blanche, la tour Eiffel, etc. Une exposition pas des moins provocatrices et qui fait couler beaucoup d'encre.
PAYSAGES PROVISOIRES (2002-2005)

En Chine, l’Etat est propriétaire de toutes les terres du pays, ce qui lui permet de démolir et construire sans avoir besoin de permission. Dans Paysages provisoires, Ai dénonce la destruction de l’histoire et de la culture chinoise par le gouvernement qui fait disparaître les ruelles du vieux Pékin, les hu tongs, pour dresser de nouveaux bâtiments. Des paysages en effet « provisoires » ; ils marquent la fin de l’ancien temps et annoncent l’avènement des temps nouveaux.

LE « NID D’OISEAU » (2005-2008)
Dans les années qui suivent, il s’intéresse à l’architecture et participe à de nombreux projets tels que la fondation CAAW (China Art Archives and Warehouse). En 2003, il crée l’agence d’architecture FAKE Design et joue un rôle important dans la construction du stade olympique – en collaboration avec les architectes Jacques Herzog, Pierre de Meuron, Stefan Marbach et Li Xinggang – le célèbre « Nid d’oiseau » qui devient le nouveau symbole de Pékin. A l’approche de l’ouverture des Jeux, l’artiste qui reprochait au gouvernement d’utiliser l’événement à des fins de propagande, prit ses distances par rapport au projet et fait appel au boycott des Jeux. Lorsqu’on lui demande alors pourquoi il a participé à ce projet, il répond qu’il aime simplement créer.
FAIRYTALE (2007)

Dans le cadre du projet Conte de fées en 2007, mille et un chinois sont invités à la Documenta 12 de Cassel, à l’initiative de l’artiste. En effet celui ci dénonce la difficulté d’obtention de visa de sortie pour les habitants de la République Populaire de Chine, empêchant les habitants de découvrir le monde exterieur, une manière de censurer le mode de vie dans les autres pays.

LES RESEAUX SOCIAUX
Un artiste généraliste et un critique social qui a entrepris de faire bouger la réalité et de contribuer à la façonner. Ai Weiwei a tenu un blog jusqu’en 2009, c’est-à-dire jusqu’à ce que les autorités chinoises l’interdisent sous prétexte qu’il contenait des critiques du gouvernement « politiquement sensibles ». Il diffusait des photographies le montrant dans sa vie quotidienne ou lors de ses déplacements, ou soulevant des questions sociales et politiques.
“La vie des artistes chinois est marquée par une diversité et une confusion remarquables, des changements et des désordres, du doute et de la destruction, avec la perte de soi et le vide qui s’ensuit, le désespoir et la liberté qui en découle, l’absence de honte et les plaisirs qui l’accompagnent. Ce que l’on observe couramment aujourd’hui dans la production artistique, c’est une recherche et une réflexion sur la politique de la Chine, son histoire et sa culture, l’individu et le collectif, les reformes, l’authenticité du moi, le repentir, la spiritualité, la sexualité, l’Occident, la richesse matérielle, l’art et la méthodologie.” Posté le 4 février 2006 @aiww
Son engagement, notamment sur les réseaux sociaux tels que Twitter, ne plait naturellement pas au gouvernement. En 2011, il est placé en détention par les autorités chinoises puis libéré sous caution. On lui retirera son passeport et son visa pendant quatre ans, durant lesquelles il est interdit de sortie du territoire, il se rend le 30 juillet 2015 à Munich en Allemagne où il veut voir son fils.
AI WEIWEI : NEVER SORRY, Alison Klayman (2012)

AI WEIWEI : NEVER SORRY est le premier film sur l’artiste. Afin d’illustrer l’attention international qu’il a suscité dans les années qui précèdent avec son art et ses provocations politiques, AI WEIWEI : NEVER SORRY examine le croisement complexe de la pratique de l’art et l’activisme social à travers la vie du dissident. De 2008 à 2010, la journaliste Alison Klayman suivra Ai Weiwei dans ses préparatifs pour des expositions majeurs, dans sa vie quotidienne avec sa famille et ses clashes publics avec le gouvernement Chinois. Klayman dresse alors de portrait de l’artiste pour offrir une exploration nuancé de la Chine contemporaine et l’une de ses figures les plus attrayantes.

De manière plus récente, Ai Weiwei a fait coulé beaucoup d'encre pour sa bataille contre la grande companie de jouets cubiques : LEGO. En effet, à l'occasion de l'exposition Andy Warhol I Ai Weiwei au National Gallery of Victoria à Melbourne, en Australie, l'artiste à voulu recréer des portraits de grandes personnalités avec des lego mais la marque a refusé de lui vendre ses précieux blocs. Considérant se refus comme un acte de censure, l'artiste dénonce la marque sur les réseaux sociaux et enclanche une révolte chez les internautes qui décident de soutenir Ai. Une grande collecte de ses petites briques a donc été organisée puis envoyée à l'artiste pour qu'il puisse achever son chef d'oeuvre, aujourd'hui exposé au NGV jusqu'au 24 Avril 2016 ! Un évènement qui illustrent l'importance que le public porte pour l'art et la liberté d'expression, ainsi que la puissance de Ai Weiwei à travers les réseaux sociaux, faisant plier le grand LEGO.

Ai Weiwei tient également une exposition à Paris, au Bon Marché. À ce jour, les visites sont malheureusement complètes.
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